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Noueuse d'aiguillette
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18 janvier 2009

Godot II, le retour!

Bon, j'ai pu emprunter l'appareil mais pas récupérer mes photos d'avant. J'ai pas non plus eu le temps de faire d'autres photos, vu que je soupçonne Salopa d'avoir ourdi un complot contre ma personne en obligeant mes élèves du 1er rang à éternuer devant moi pour que mon mufle redevienne humide et coulant. Du coup pour vous faire re-patienter (j'ai quand même une robe, un gilet et une jupe de toute beauté à vous montrer, ainsi qu'une sombre histoire de culotte à éclaircir), je vous remets un petit texte écrit à l'époque où j'effectuais, pour ma plus grande joie, des remplacements entre Sarcelles et La Courneuve.

Vous êtes pleine de bonne volonté et vous avez encore foi (pas pour très longtemps) en ce que vous faites. La Vénérable Institution vous a gratifié, tout au long de cette année, de ses bienfaits. Après vous avoir oubliée, perdu vos dossiers de mutation, mis sur des postes déjà pourvus, elle a enfin daigné posé ses mirettes de taupe myope sur vous.

Et là, joie, bonheur et félicité!! Elle vous envoie manu-militari faire du tourisme dans une charmante bourgade du 9-cube, entre Sarcelles et la Courneuve, faire de la garderie, pardon, remplir votre noble mission d'enseignante, pour les 3 dernières semaines de cours.

Ingrate que vous êtes vous ronchonnez. Un prof ça ronchonne de toutes façons. Parce qu'on veut lui sucrer son heure de bulle quand même payée, parce que tous les élèves sont là, parce qu'aucun élève n'est là, parce qu'y a plus de café dans la machine. Donc vous êtes ronchonne. Et feignasse. Un prof est feignasse de toutes façons. Cf au-dessus.

Bon, vous arrivez, après 1heure et demi de RER, métro, puis bus devant l'entrée de l'établissement du Savoir et de la Connaissance. Et vous restez dubitative devant un délire architectural des années 70 d'un honorable créateur du BTP qui revenait vraisemblablement de Woodstock et donc encore sous acide. C'est dans un coquet bloc de béton et sa majestueuse verrière aux vitres uniformément pétées ainsi que sa charmante petite cour, sauvée de l'uniformité grise par moults papiers gras jonchant le pavé que vous faites votre entrée.

Vous n'avez rien vu... Vous vous présentez au personnel, le principal vous accueille à grands renforts de "Chère collègue", évoque rapidement le prédécesseur en vous souriant d'un air géné comme s'il avait à vous annoncer que vous avez un cancer en phase terminale. Vous avez l'impression qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du tableau noir. On passe rapidement sur les gosses ''Oh, ils sont un peu pénibles". Mais comme vous  avez un peu de bouteille, vous avez vite fait de traduire le langage vaseline en langage triste monde cruel: "Tu vas en chier un maximum biquette, j'aimerais pas être à ta place".

Cette fugace impression vous sera confirmée par vos futurs collègues. Vous apprendrez au fur et à mesure de votre remplacement que vous êtes la 4ème sur le poste, que les élèves ont fait craquer la précédente qui a failli étrangler un chérubin après avoir été la cible d'un entraînement d'une discipline innocente, le lancer de table et de chaises, suivi de sa variante, le lancer de sac de prof par la fenêtre, par des élèves tellement fanatiques de sa petite personne qu'ils venaient régulièrement lui arracher des cheveux pendant les cours.

 

On vous laisse généreusement 24 heures pour faire votre testament, pardon, être opérationnelle. Vous avez d'abord une bonne surprise avec les 3èmes. Ils sont calmes, attentifs, polis et surtout ils sont trois. Les autres se sont mis en congés depuis fin mai. Vous ressortez donc de la classe après un cours ébouriffant sur les valeurs des temps, vous vous auto-congratulez copieusement, vous z'ont pas eu, vous maîtrisez. Grave.

Vous allez vite déchanter. L'après midi vous avez les 5èmes. Dans votre esprit, pauvre benette naïve, un 5ème c'est un 6ème avec 3-4 cm de plus. Vous entendez des cris de bête dans le couloir, un pion pris de pitié vous annonce que c'est votre classe (goutte de sueur à ton front) et hurle pour la forme afin que la horde sauvage daigne imiter, au moins un peu, un troupeau ovin. Vous regardez avec curiosité les choses, pardon, les gamins et là vous êtes prise d'une panique soudaine. La moitié des garçons ont une taille à vous bouffer sur le haut du crâne, deux ont des moustaches, un mériterait le prix du plus beau Golgoth d'Île de France. Vous apprendrez plus tard que certains ont 16 ans bien tassés. Le reste se passe comme dans un rêve, ou plutôt un cauchemar. Vous essayez tout l'attirail: le calme (marche pas, font pas attention à vous), le silence blasé (marche pas, se trouvent infiniment plus à l'aise pour tchatcher quand la vioque devant la ferme), l'affectif (marche pas, z'ont pas de coeur), la trouille (marche pas, un Golgoth ça a pas peur) et pour finir vous hurlez tel Adolf dans un meeting munichois. Le facisme y'a que ça de vrai, ça marche. Ils se taisent pendant 45 secondes. Vous en profitez pour respirer un bon coup et décidez de vérifier leurs connaissances en Français. Vous savez déjà qu'ils savent faire des phrases avec sujet-verbe-complément, D. l'a savamment montré en formulant cette phrase pleine de poésie concernant leur ex prof: "On a niq*é Mme D.". Pour le reste c'est un peu plus compliqué. Un groupe de 3 élèves fait une entrée fracassante dans la classe au moment où vous avez réussi à calmer un peu le jeu; une espèce de mini-troll, dont la taille est inversement proportionnelle à celle de ses éventails à mouches déboule en hurlant suivi de sa copine une louloute d'1m70- 90 kilos au garrot (vous ne l'avouerez jamais mais elle vous fait furieusement penser à Taram et le chaudron magique--dans le rôle du chaudron mais avec l'option parole) et d'une mini gonzesse pomponnée comme si elle devait participer à l'élection de Miss Univers. Bref, ils lèvent les bras, hurlent en saluant leur public comme des Jamel La Bouse et jettent leurs sacs tout en donnant un vigoureux coup de pied dans la porte. Là vous vous sentez partir.

Vous envoyez donc la chétive jeune fille qui s'est réfugiée devant votre bureau et qui vous regarde avec une pitié indicible dans le regard, chercher la seule vraie terreur de l'établissement, Mme B. CPE, redouté comme le virus de la grippe aviaire dans une importation d'oies chinoises.

Vous vous débarrassez des trois excités, trio dont vous ne verrez plus que la soupière, pardon Melle S. jusqu'à la fin de l'année.

Deux semaines plus tard vous êtes épuisés, mais vous gérez à peu près vos classes, vous êtes vivante et entière. Le principal vient vous passer une pommade dont vous n'avez que faire et les mômes demandent si c'est vous qui serez leur prof de Français l'an prochain. Ce à quoi vous répondez avec un sourire de satisfaction que vous avez du mal à dissimuler "Ben non". Evidemment tout n'est pas noir.

Vous avez eu une surprenante discussion sur le conflit irakien avec la cacaille cabotine de votre 3ème, vous avez mis une pâtée monumentale à la crapette à vos élèves de 4ème le dernier jour (vous avez triché un peu mais c'était de bonne guerre) et le groupe de petites jeunes filles sympas en 5ème se sont cotisées pour vous acheter un cadeau que vous recevez en bredouillant comme une folle.

Vous viderez finalement votre casier en maugréant "Bandes de p'tits c*ns" l'oeil embué devant le papier rose imprimé de chatons et les sourires massifs des 3èmes vous remerciant en sortant du sacro saint brevet.
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Commentaires
C
Je découvre ton blog via Tricotin, et j'adore déjà te lire. <br /> <br /> Ce post m'a fait sourire et même rire. Je me demande dans quel bahut tu as atterri, car bien que ce soit déjà loin derrière moi, j'ai fait une partie de ma scolarité (de la primaire jusqu'au bac en 1994) à La Courneuve. A l'époque, j'avoue que ce n'était déjà pas de la tarte. <br /> <br /> Je n'osais pas imaginer l'évolution, à présent, j'en sais davantage sur ce qu'est devenue ma ville de naissance...<br /> <br /> Bon courage et @u plaisir de te lire...
C
hey t'as vu tu me fais begayer ! mdr !
C
Franchement publi ! t'es vachement plus drole à lire qu'en attendant Godot ...
C
Franchement publi ! t'es vachement plus drole à lire qu'en attendant Godot ...
M
Je découvre ton blog, et voila qui me rappelle certains élèves. C'est superbement raconté; merci de nous montrer qu'on peut encore en rire (parfois?)
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