Vol au-dessus d'un nid de (petits) coucous
Quand j'étais minus (et le 1er qui me dit que le dessous des bras me chatouille quand je traverse une moquette pure laine, va mal finir), donc quand j'étais minus disais-je, je voulais être psychologue. Enfin je voulais être aussi danseuse étoile, journaliste, archéologue, mais en aucun cas je n'aurais voulu être prof. Jamais. Plutôt manger du choux de Bruxelles à tous les repas, ou regarder des photos de lapins sur une table de dissection. J'ai donc pas fait psy et au sortir du long nuage éthylique que furent mes études, je me suis retrouvée un matin devant une classe de 6èmes.
Remettons tout de suite les choses à leur place. Il circule en effet des tas d'idées reçues sur ces êtres étranges que sont les petites classes et il est de mon devoir d'atomiser les préjugés, tel un Einstein de l'Educ Nat'
- "Le 6ème est petit et choupi" : FAUX _ En plus d'avoir une hygiène parfois douteuse, le 6ème a le nez qui produit des substances purulentes dans toute une gamme de couleurs fort peu avenantes, de septembre à juin. Matières qu'il prend un plaisir sournois à partager avec ses camarades en ne se mouchant jamais ou alors en tapant régulièrement des mouchoirs à son prof (j'ai une dette, chez Kleenex, du montant du PIB du Quatar).
- "Le 6ème est un être pur et innocent": FAUX _ Si en septembre vous les entendez se rouler de rire parce que l'un d'entre eux a placé le mot "caca d'oie" dans sa production écrite alors que vous essayez péniblement de les sensibiliser à la beauté de la poésie japonaise, en juin il s'avère qu'ils se sont surtout très bien sensibilisés au langage nettement plus fleuri des 3èmes.
Wesh boloss 1- Haïku de la vioque 0...
-"Le 6ème d'aujourd'hui maîtrise les nouvelles technologies": FAUX_ Un beau matin j'ai naïvement amené la horde en salle info. Au bout de 05 minutes j'avais un concert de hurlements prépubères collectifs en La mineur "Madame, MAdame MADAAAMMMMMMEEEE, ça marche PASSSSS". Alors que je leur avais dit d'allumer l'ordinateur, mes 28 nabots étaient presque tous en train d'appuyer frénétiquement sur l'écran en s'étonnant que rien ne se passe. Et je vous passe la séance de recherche sur Internet, trop de rock'n'roll tue le rock'n'roll.
Bref, moi les 6èmes j'en voulais pas à la base, j'aime pô les petits. Ben j'ai été gâtée cette année, j'ai pu réaliser mon rêve de bosser dans une ambiance digne d'un HP albanais en surpopulation. Y compris le lundi à 8 heures du matin... Normalement à cette heure-là de la semaine, ils dorment encore. Mes coucous, eux, étaient en pleine forme. A croire que les parents les séquestrent dans la cave tout le w-e et ne les relâchent que pour les confier à leurs pauvres enseignants, ce dont je ne peux pas les blâmer du reste.
J'ai pu donc expérimenter tous les troubles de l'attention possibles et imaginables, courir sous les tables pour récupérer un morveux en train d'imiter Rambo rampant dans les rizières, écouter avec compassion le minot qui scie sa table aux ciseaux à 1 mètre de mon bureau et qui hurle "C'est pas moi" alors qu'il a, à ses pieds, un fort beau tas de sciure qui n'était pas là au cours précédent. Mais je tiens à remercier mes nains, ma voix est surentraînée, Angela Gheorghiu je te prends quand tu veux sur le final de la Tosca.
Du coup j'ai compensé, comme d'hab, à grands coups d'aiguilles de toutes tailles.
J'ai d'abord fait ce ravissant petit haut:
Je suis tombée sur feu Picasa, sur des scans du magazine Female. Vous connaissez mon amour pour les patrons japonais; quand les photos ne sont pas hideuses, les vêtements tiennent plus du parachute que de la ravissante tunique. Il se trouve que dans female, une bonne partie des patrons est présentée sous forme de schémas avec les mesures précises. Armée d'un perroquet, le fessot à l'air, étalée très gracieusement au milieu de ma salle de couture, j'ai reconstitué le patron.
Un petit coupon de coton viscose déniché au marché de Clichy-Montfermeil plus tard, et hop, j'avais ma blouse très jeune fille en fleur. Le tout fait en un temps record, si ce n'est la parementure intérieure que j'ai fixée à la main, ce qui m'a pris plus de temps que la couture de l'ensemble. M'enfin porter un truc avec des finitions moches ça me gâche le plaisir.
Et puis comme il fallait se rendre à l'évidence: le printemps était là dans mon jardin et sur les tronches de mes collégiens, il me fallait un nouveau short. J'ai choisi ce modèle du Patrones 244 "Joven", histoire de continuer à croire que j'ai le cuissot d'une candidate au baccalauréat, et j'ai sorti un reste de coupon gris perle dans lequel j'avais déjà coupé une robe style hôtesse de l'air de la Panam avec jambon apparent.
Je suis restée dans l'étalage charcutier même si j'ai rajouté 5 bon cm d'ourlet à la chose. Sinon tout s'est passé tranquillement, même si la surpiqûre blanche me convainc moyen et qu'en revoyant la photo je m'aperçois que ça taille, in fine, assez petit. Voyez plutôt:
L'homme a un voile libidineux dans le regard quand il le regarde, donc j'imagine qu'il me moule le fondement comme il se doit et non pas comme un saucisson d'âne entravé dans une ficelle corse. Voici une photo de détail. Vous omettrez de remarquer que ce short est un peu froissé, vu que vous avez été bien éduqués, contrairement à mes 6èmes.
Enfin je vous présente mon Précieux du moment. Le modèle est le Summer Blooms shawl d'Interweave Knits de l'été dernier. J'ai utilisé un reste de Mérinos et Soie utilisé pour un gilet fait à Z'hom (oui, je sais, il est trop gâté). Je me suis un peu vautrée sur le motif à la fin, m'enfin, je m'en fous, l'amour ça oublie les défauts (ouais, bon, en théorie, hein Z'hom?). Voici ma merveille; chaude, douce, légère.
Déplié il doit faire dans les 1m60 de tendresse absolue. Look at the délicatesse of the truc. Oui, je sais, vous êtes amoureux (-se), c'est normal.
Et puis tiens, un détail du motif. Celui que j'ai réussi. Parce qu'à quoi ça sert d'avoir un blog si on peut pas se faire mousser un peu?
Je vous conseille donc de me congratuler copieusement parce que la prochaine fois, si vous êtes sages, ce sera St Jacques et Corail pour tout le monde